Dans sa carrière, le Bâlois a tout gagné. Certes, il lui manque encore un titre olympique individuel et le record des tournois remportés. Pour ce qui est des JO, il n’a guère eu de chance en simple. En 2000, lors de sa première participation, il échouait en demi-finale face à l’Allemand Tommy Haas, ATP 42 avant de perdre la médaille de bronze au profit du troisième de la compétition, le Français Arnaud di Pasquale. Heureusement pour le Bâlois, la présence de Stan Wawrinka à ses côtés en double, lui permit enfin de décrocher cet or olympique en 2008. Pour ce qui est du nombre de tournois remportés, c’est toujours Jimmy Connors qui détient le record avec 109 trophées. Pour l’Helvète, actuellement victorieux à 103 reprises, les six titres manquants deviennent de plus en difficile à obtenir. D’autant plus qu’il avait déclaré un jour : « Je ne vais quand même pas disputer des tournois 250 pour essayer de combler ce retard. » Le Bâlois aura 39 ans au moment de reprendre sa raquette après ses problèmes de santé actuels. Quoi qu’il en soit, ce titre, aussi prestigieux soit-il, n’a rien à envier à son époustouflant palmarès.
Quel chemin d’exception le grand champion a t’il parcouru depuis 1998, année de son entrée dans le circuit professionnel a seulement 17 ans.
C’est à Marseille, deux ans plus tard, que Roger dispute sa première finale. À cette occasion, il retrouve Marc Rosset, le champion olympique. Roger domine le premier set 6-2, avant de céder face au Genevois 3-6, 6-7. Il s’écroule alors dans un torrent de larmes et Marc Rosset raconte : « Il pleurait en déclarant qu’il ne gagnerait jamais un tournoi ATP ! » On connaît la suite. Celle-ci fut somptueuse. Pas uniquement par ses innombrables victoires, mais aussi par la manière dont elles ont été cumulées. Il a toujours fait preuve d’une franche détermination dans la manière de pratiquer son sport de prédilection. Avec lui, on n’attend pas de voir des superstars comme Djokovic et Nadal taper la balle une bonne dizaine de fois avant de la remettre en jeu. Quelles que soient les circonstances, le Bâlois envoie son service quasi immédiatement. À tel point que l’on s’interroge parfois à ce sujet : « Mais pourquoi ne prend-il pas quelques secondes avant de servir ? » Cette remarque a même interpellé l’ancien numéro un mondial, Ilie Nasatase, qui a déclaré un jour : « Quand je vois Roger jouer je me dis, soit il est en plein entraînement, soit il s’en fout ! ». Une déclaration pour le moins imagée, mais pas totalement infondée. En fait, il a adopté un style qui, comme lui, est unique. Il suffit de se souvenir de sa défaite face à Djokovic à Wimbledon lors de la finale de l’an dernier. Il a bénéficié de deux balles de match qu’il a envoyées comme un service normal dénué de tout enjeu crucial. Sa première balle a terminé dans le filet et la seconde, pas assez performante, a aussitôt été utilisée par son rival. S’agissant de son premier envoi, Roger a déclaré : « Cela aurait pu être un ace ! » Le champion entendait donc en finir de cette manière ô combien symbolique. En dépit de l’importance du moment, Roger voulait favoriser la beauté du geste.
Il est bien évident que ce ne fut pas la seule déconvenue du champion à ce stade d’un match. J’ai pour ma part le souvenir d’une autre finale : A Rome dans un Master 1000, face à son éternel rival et ami, Rafael Nadal, en 2006. Ce jour-là, le match fut somptueux. Le score a tenu en haleine le public du Foro Italico. Jugez plutôt : 7-6, 6-7, 4-6, 6-2, 6-7 en faveur de l’Espagnol, sur sa terre battue, là où il est en principe imbattable. Roger a une nouvelle fois eu deux balles de match. En fait, Roger n’a jamais réussi à ajouter Rome à son palmarès. Il manque d’ailleurs une statistique qui aurait certainement son intérêt s’agissant du Bâlois : « Combien de balles lui ont été indispensables pour prendre le service de son adversaire ? » On peut être le plus grand joueur de l’histoire, sans pour autant réaliser le break à chaque occasion et avec une seule balle de retour.