Une fraction de seconde. Quelques mots bredouillés. À nouveau cette peur au ventre. Violente, tenace. Depuis quelques années, de plus en plus de jeunes gays, lesbiennes, bi ou trans, dans le monde entier, ont décidé de faire leur coming out via des vidéos sur Internet. À travers un montage de vidéos postées sur le web par ces jeunes, Coming Out nous fait vivre au plus près ce moment de basculement intime et social qu’est le coming out. Denis Parrot est un monteur image et infographiste, né en région parisienne en 1974. Coming Out est son premier film documentaire en tant que réalisateur.
Comment vous est venue l’idée de ce documentaire ?
Il y a deux ans, je suis tombé sur une vidéo YouTube : un jeune révélait son homosexualité à sa grand-mère au téléphone et se filmait avec sa webcam. On sentait chez lui une immense difficulté à parler, la peur de ne pas être compris ou accepté. On devinait aussi qu’il anticipait ce moment depuis des mois ou même des années. La vidéo durait dix minutes, il y avait beaucoup de silences, de phrases banales. Cette vidéo m’a beaucoup ému, non seulement par rapport au dispositif, très simple, un peu tremblotant, mais aussi par ce qu’elle dévoilait de non-dits dans ses silences. Ensuite, j’ai vu qu’il y avait sur YouTube, non pas une ou deux vidéos de ce type, mais des milliers, provenant de différents pays. C’est assez étonnant comme phénomène.
J’ai tout de suite su qu’il y avait là un sujet que je voulais traiter. Je voulais montrer à quel point le coming out, ces quelques mots prononcés aux parents, à la famille ou aux amis proches, sont un moment de tension après des mois, des années durant lesquelles ces jeunes ont tout gardé en eux, sans oser en parler. Mais, à travers ces vidéos, le coming out est aussi – il faut bien le reconnaître – une espèce d’instant suspendu plein de suspense : quelle va être la réaction des parents ? Se sont-ils préparés à cette éventualité ou tombent-ils de leur chaise ? Beaucoup de jeunes redoutent une réaction négative, celle qui risque de leur faire perdre l’amour de leurs parents. C’est pour cette raison que j’ai indiqué à l’image l’heure de chaque vidéo : après cette révélation, leur vie ne sera plus tout à fait la même, il n’y aura pas de retour en arrière possible
Quel était votre but en faisant ce documentaire ?
Ce film est ma petite contribution pour aider à faire bouger les lignes. Je veux susciter une prise de conscience chez les parents : votre enfant est peut-être gay, lesbienne, bi ou trans et vous l’ignorez. Vous ne l’avez pas choisi, mais votre enfant ne l’a pas choisi non plus. Ce n’est ni bien ni mal, c’est juste comme ça. Luke, l’un des jeunes Anglais du film, rétorque quand on lui affirme qu’il a choisi d’être gay : « Et vous, quand avez-vous choisi d’être hétéro ? ». C’est très juste de renverser la question. Personne ne choisit son identité de genre ou son orientation sexuelle. Si les parents étaient préparés à cette éventualité, les choses seraient peut-être plus faciles. Le taux de suicide des jeunes LGBT est important, le nombre de jeunes mis à la porte aussi. C’est la raison d’être de ce film, il reste beaucoup de travail à faire…