Les Grisons ? Un canton énigmatique reconnu pour l’immensité de ses sommets sublimes, son air pur et ses dogmes ancestraux. Ici-bas, la lutte helvétique, sport composé à parts égales de testostérone et de culotte en toile de lin, est considérée comme une seconde religion. Le champion Curdin Orlik y a consacré sa vie entière devenant, aux yeux d’un public toujours plus nombreux, une icône à laquelle il est désormais évident de se comparer. À 27 ans, 187 cm et 115 bons kilos de muscles, il a grimpé les échelons devenant un sérieux candidat au titre suprême après avoir été couronné de lauriers lors de la dernière fête fédérale à Zoug. Du coup, les projecteurs se sont progressivement braqués sur ce sportif honnête, la fierté de tout un pays, époux et jeune papa d’un fils de 3 ans. Avec infiniment de courage, voire une abnégation qui force le respect, la future star nationale de la lutte suisse a accordé une interview choc à un magazine d’Outre-Sarine. Son aveu pourrait redistribuer les cartes aux yeux des réfractaires, bien qu’il ne modifie, en aucun cas la valeur humaine et sportive du champion : Curdin Orlik est homosexuel.
Dans une discipline inattendue, l’athlète décide de sortir du placard.
Considérant, à juste titre, qu’il est clairement préférable d’être libre, Curdin Orlik avoue que pendant de nombreuses années, il a tenté de refouler qui il était réellement. Les coming-outs, dans l’univers du sport, sont une grande rareté. Pire, chez les hommes, sortir du placard relève presque du suicide public tant les exemples sont quasi inexistants, tant les vieilles rengaines machistes perdurent jusqu’à nos jours.
Élevé dans une famille de lutteurs, petit frère d’Armon, vainqueur de nombreuses compétitions, le champion confirme que son milieu conservateur, profondément catholique, n’a pas franchement aidé dans sa volonté de s’affranchir d’une réalité parfois dure à accepter : « Il semblait exister un accord tacite sur le fait que les gays ne pouvaient pas faire partie de l’équation » dixit l’intéressé. Fier et droit, Curdin Orlik assume et s’affranchi des traditions en refusant de mentir en premier lieu à son fils. Voilà qui fait plaisir à voir et à entendre. Oui, lutteur, sportif, enfant des Grisons, champion incontesté et beau bébé baraqué comme une douzaine d’armoires normandes, notre homme brise enfin un tabou avec infiniment de clarté. Décidemment, un homme à suivre de très près. Bravo à lui !
copyright : Anne Morgenstern

