Il s’excuse Nicola, il a quelques minutes de retard à peine et demande humblement pardon. En voilà de jolies manières, reflet de la nature tout en sagesse de l’aventurier, sans doute conscient d’avoir touché les étoiles, avant de brutalement dégringoler pour finalement faire un retour fulgurant et s’installer définitivement au sommet.
Vous êtes un artiste, un chanteur, un musicien, un performeur ?
Je suis simplement un père célibataire avec trois enfants de trois mamans différentes, donc j’essaye de gérer mon emploi du temps au mieux. Je vis totalement normalement pour pouvoir écrire des choses anormales, je suis une rock star entre 21h et 23h.
Comment fait-on pour plaire, mobiliser trois, voire quatre générations de fans ?
C’est difficilement explicable, ce sont les gens qui viennent nous voir qui le savent. Indochine, ça ne se maîtrise pas, en concert il se passe quelque chose. Peut-être que c’est la sincérité, l’honnêteté, l’intégrité, pour ne pas dire que notre musique est vraiment bonne et qu’on est des supers chanteurs et musiciens (rires).
Le son Indochine est reconnaissable entre mille, quel est le secret ?
Le son Indochine marche, c’est vrai. Il est un peu outsider puisqu’il n’y a que le hip hop qui fonctionne aujourd’hui, mais il y aura toujours un morceau d’Indochine qui plaira.
Qu’est-ce que vous ont appris ces 40 ans de carrière ?
Rester humble ! L’humilité avant tout.
Quelle musique écoutez-vous aujourd’hui ? La même qu’il y a 40 ans ?
J’écoute beaucoup de musique classique en ce moment et aussi deux ou trois groupes de filles qui font du rock, parce que je trouve ça très très gonflé d’avoir 20 ans aujourd’hui, d’être une fille et de faire du rock. Il y a un groupe espagnol qui s’appelle les Hinds, par exemple, je les aime beaucoup. Sinon avec mon petit garçon, c’est Eminem en boucle.
Des artistes francophones qui vous plaisent ?
Quand Higelin est décédé il y a deux ans, ça m’a fait un coup. J’écoute toujours sa musique, un peu de Gainsbourg, de Dutronc, c’est mon école à moi.
Que reste-il du New Wave en 2020 ?
Il reste des gros groupes de rock !!! U2, Dépêche Mode, Cure et… Indochine. Je pense que ce sont des groupes qui sont nés de l’énergie du punk et qui ont essayé de ne pas trahir leur univers. Certains y sont parvenus, d’autres non.
Que dites-vous à ceux qui n’ont pas cru en vous ?
Aujourd’hui, je n’ai rien à leur dire, c’est ça qui est beau. Mais je sais qu’il ne faut jamais briser les rêves des enfants.
Les deux opus de Singles Collection rassemblent 13 albums et 56 singles. En quoi sont-ils différents des originaux ?
Ils ne sont pas différents des originaux, les titres ont été remixés afin d’effacer le poids des années, on a nettoyé les bandes pour que le morceau de 1981 ait la même dynamique que celui de 2020, tout ça en gardant l’essence de chaque chanson. Il était temps pour Indochine d’avoir, comme les Beatles, même si ça sonne présomptueux, un album Rouge et un Bleu. Après 40 ans, c’est assez logique d’avoir une collection de singles sur deux albums.
Central Tour démarre en mai. Lumière, écran, son, en quoi ces concerts seront-ils différents et exceptionnels ?
Je ne peux pas tout dire ! Mais c’est la première fois que l’on va faire cinq stades en France. D’habitude, on termine la tournée par le stade de France, donc ce sont les gens qui viennent nous voir. Là, c’est nous qui allons chez eux, dans cinq régions. Par exemple pour vous à Genève, le plus près, ce sera Lyon. On a mis en place tout un système de bus pour faciliter les déplacements des fans suisses. On a choisi les meilleurs stades en France, les plus modernes pour accueillir le public. Aller voir un concert, c’est toujours un peu compliqué, c’est souvent loin, il faut se garer, c’est long, bref on a choisi les lieux les plus modernes et faciles d’accès et on va transporter notre concert partout. Les stades ne sont pas faits pour les concerts, mais plutôt pour que les spectateurs regardent ce qui se passe au milieu. On va installer une scène centrale et, apparemment, l’un des plus grands écrans du monde. On a choisi de faire cette scénographie pour changer un peu, sortir de notre zone de confort et offrir une nouvelle expérience à nos fans. Ainsi, personne ne sera lésé, qu’on soit dans les tribunes nord, sud, est ou ouest, la visibilité sera la même pour tout le monde.
Vous n’avez pas prévu de passer par la Suisse, peut-on espérer vous voir en 2022 ?
Après la tournée, nous avons prévu des petites escapades spéciales et bien sûr la Suisse ne sera pas oubliée.
Vous réservez des places pour les travailleurs de la Covid dans chacun de vos prochains concerts.
C’est le minimum que l’on pouvait faire, effectivement ! Quand on fait des concerts dans des stades de 80 000 personnes, il y a toujours des invitations qu’on ne contrôle pas, comme les VIP de la ville par exemple. Nous avons expliqué aux autorités locales notre désir d’inviter celles et ceux qui nous ont aidés à vivre pendant le confinement, qui eux sont allés travailler, que ce soit les conducteurs de bus, les éboueurs, les infirmiers, les policiers. On leur offre cent invitations par ville, il leur suffit de s’inscrire.
Dans le clip de « Nos célébrations » défilent les évènements majeurs des dernières décennies. Lequel vous a le plus marqué ?
Il y en a tellement, on en a rassemblé un maximum dans un film de 21 minutes qui couvre la période depuis 1981. Je pense que l’abolition de la peine de mort reste une des plus belles choses qui soit arrivée à la France. La pandémie est aussi un événement marquant qu’on n’aurait jamais pu imaginer.
© Stephane Ridard