Est-ce que l’homme que vous êtes évolue au même rythme que le mythe De Niro?
Arrivé à un âge respectable, il est certain que je suis moins agressif. Je ne ressens plus le besoin d’agir avec férocité pour arriver à un résultat qui me satisfait. Mon travail d’acteur consiste à m’insérer dans n’importe quelle personnalité. Dès lors, je dois créer un lien avec mon personnage. Évidemment, si je suis très éloigné de celui que je dois interpréter durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, je dois travailler dur pour garder une constance dans l’interprétation. Savoir perpétuer une intensité lorsqu’on est complètement à l’opposé de son personnage représente un défi difficile à relever. Parfois, avec beaucoup d’expérience, on préfère ne pas avoir à s’en soucier et on se tourne vers des rôles plus amusants.
Il est clair que vous êtes un modèle. Rappelez-vous de vos jeunes années lorsque vous-même vous étiez en recherche de conseils.
Je me souviens encore de l’époque où je traînais à droite et à gauche, dans l’espoir de trouver des informations, des astuces pour m’aider à décrocher un rôle, fut-il minuscule. Je me débrouillais pour me faire remarquer, pour être reconnu. D’ailleurs, à l’époque, l’essentiel n’était pas de savoir qui vous connaissiez, mais plutôt qui vous connaissait. Maintenant, avec les réseaux sociaux c’est plus facile. Moi, j’ai fait tous les petits boulots, dont serveur. Le truc, c’était de savoir si un client était producteur de cinéma et si je pouvais lui glisser un CV en douce afin d’espérer être un jour repéré.
Vous avez la réputation d’avoir un caractère affirmé et d’intimider vos partenaires de jeu. Comment le percevez-vous?
Je suis ce que je suis, je ne vais pas changer, c’est trop tard. Pourtant, j’ai beaucoup appris au fil des ans. Désormais, je préfère me tourner vers ceux qui me réclament des conseils plutôt que de demeurer cloîtré dans ma tour d’ivoire.
Comment choisissez-vous vos scenarii aujourd’hui?
Oh c’est très facile! Lorsqu’on ne représente plus le profil idéal, les propositions se raréfient. C’est fait avec infiniment de politesse, subtilement, mais on comprend assez rapidement que certains rôles ne sont plus adaptés. On doit l’accepter, mais ça a au moins l’avantage de faciliter le choix.
Pourtant, Martin Scorsese vous a offert un magnifique rôle dans The Irishman avec Al Pacino, trente années après Les Affranchis.
Le cinéma est un art intemporel. Rien n’est jamais réellement terminé pour un acteur. Regardez Sylvester Stallone, il est toujours là avec Rocky et Rambo.
Réalisateur des excellents Bronx Tale et The Good Shepherd, vous êtes également producteur. Avez-vous envisagé de devenir votre propre scénariste?
Vous voulez dire comme écrivain? Écoutez, mon job consiste à interpréter des histoires, sûrement pas à les écrire. Ce n’est pas dans mes compétences. J’ai participé à la production de beaucoup de films et croyez-moi, je sais que la tâche est difficile. Tout se résume à une obsession constante: l’argent. Une journée de production ne se passe jamais sans qu’il faille jongler avec ça. Je préfère clairement donner le meilleur de moi-même afin que la scène soit réussie. La mise en scène reste une distraction amusante mais, tout comme la comédie, c’est un boulot difficile.
Dans quelle mesure la chance joue-t-elle un rôle dans le succès?
Elle joue un rôle majeur. C’est évident. D’ailleurs, c’est aussi la chance qui m’a assuré du travail. Je n’ai jamais eu de traversée du désert, de périodes de doute, de chômage. J’étais toujours au bon moment, au bon endroit pour montrer de quoi j’étais capable. Ça ne s’explique pas.
Quel fut le rôle le plus difficile à incarner?
Le personnage de Jake La Motta! La vie du boxeur m’a obligé à subir un entraînement sévère, mais aussi à prendre énormément de poids pour l’incarner vieilli et déchu. Mon rôle dans The Mission a été éreintant également, le tournage dans la jungle imposait un rythme épuisant. Même si on imagine souvent que je réponds au personnage de cintré de Taxi Driver réalisé par Marty, ce n’est pas le cas. Nous avons beaucoup tourné de nuit et globalement c’était plutôt un tournage sympa.
On dit que vous avez une lecture très claire de vos interlocuteurs?
Oui et je suis comme mon père à cet égard. En plus de beaucoup l’aimer, j’avais du respect pour lui. C’était un homme très intègre. Je ne dirais pas que c’était une personne cynique, mais il lisait très bien les gens. Il m’a appris à me mettre à la place des personnes que je rencontre et à m’identifier à elles. Je décèle vite celles qui ne sont pas qui elles prétendent être. Mon père riait de ces situations, c’était drôle et intéressant à la fois. À Hollywood, nombreux sont ceux qui jouent un rôle. C’est normal, on s’y attend! L’important, c’est de veiller à toujours rester soi-même.
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