Depuis deux mois, le monde est complètement cloisonné. Nous cherchons un refuge rassurant, certains empilent des kilos de farine, d’autres des tonnes de pâtes. Seule occupation pour ne pas tomber dans un éthylisme frénétique, le rire. Mais pas n’importe lequel non, le rire qui apaise, réconforte, nous rappelle les souvenirs heureux d’une époque révolue. Un temps que les moins de cinquante piges n’ont pas automatiquement connu, le temps du plein-emploi.
Chez nos voisins, jadis, Giscard et Raymond Barre étaient aux commandes d’une société prospère. Le cinéma dit « comique » était terriblement populaire, Claude Zidi réalisait, Vladimir Cosma, l’homme derrière les bandes originales de LA BOUM, LE GRAND BLOND et L’AILE OU LA CUISSE, composait des ritournelles entêtantes. Louis de Funès devint une star au mitan des années 60 après trente années de vaches maigres. Depuis, il est inéluctablement la valeur refuge ultime. Le héros de notre enfance. Indémodable car justement hors d’âge.
Ainsi, depuis deux mois, la programmation TV est devenue un best of. De Funès à tout va. Tout y est maintes fois diffusé, sans fin. La série des GENDARMES (une lente déclinaison puisque chaque film se relevant nettement moins bon que le précédent), le Septime acariâtre du GRAND RESTAURANT, l’industriel surexcité d’OSCAR, l’assassin putatif de JO et enfin le ministre des finances obséquieux de LA FOLIE DES GRANDEURS. De Funès est un remède, chaque diffusion ayant remporté durant ces longues semaines d’introspection obligatoire des audiences pharaoniques. On rit de concert, rassuré, confiant. On rit apaisé en occultant la réalité.
