L’imagerie chimérique de Will Benedict tire son inspira- tion de l’histoire de l’art comme de la littérature, de la publicité ou de la culture populaire. Les curieux person- nages qui peuplent ses vidéos sont autant d’hybrides humains-animaux, qui superposent la représentation psychique complexe de personnages littéraires aux bizarreries anthropomorphes qu’utilise l’industrie du soda dans ses publicités. Il en résulte une étrange réalité alternative dans laquelle les personnes sont affublées de crêtes de coq et ont des oreilles à la place des yeux et les immeubles prennent la forme d’éléphants. À travers l’humour et le non-sens, l’artiste révèle ainsi le monde tel que nous l’avons créé et l’absurdité qui nous nourrit chaque jour.
Les thèmes de la désillusion, de la perspective et de la satire du pouvoir qui traversent Dialogue of the Dogs s’inspirent du « Mariage trompeur », récit du célèbre écrivain espagnol Miguel de Cervantès. Il raconte l’histoire d’un homme hospitalisé, fiévreux et délirant, qui rêve de deux chiens qui discutent. Les chiens content leurs observations. Ils se moquent de la civilisa- tion – leurs maîtres sont des idiots, brutaux et corrom- pus – et alors que les rôles s’inversent, et que Cerventès accorde aux chiens la plus grande autorité morale, l’humanité devient « à l’image du chien ».
L’œuvre de Will Benedict ne cherche pas tant des réponses mais, au contraire, pose de nombreuses questions – sur la difficulté de se prendre au sérieux, la fausseté des hiérarchies morales, le souci d’être éthique, le problème de la sincérité et la valeur accordée à la stupidité. Il nous dépeint comme les animaux que nous sommes, mais avec la générosité d’une implication réciproque.
Le temps comme concept imprègne également la quasi-totalité des œuvres présentées, qu’il s’agisse d’un polaroid dans lequel on voit un bébé naître d’un œuf, d’un chauffeur Uber qui essaye de livrer à l’heure, tout en écoutant la chanson Time de Pink Floyd, ou encore du motif omniprésent d’une horloge que l’on retrouve dans Cafe Wha?. Comme l’affirme l’artiste : “le temps maintient tout ensemble”.
Cette exposition offre non seulement la possibilité de se plonger dans l’iconographie de Will Benedict grâce à l’image en mouvement, mais permet en outre d’exposer un grand nombre de peintures, photos et collages de l’artiste, réunis ici pour la première fois. Ces travaux sont cohérents avec le ton dont il use pour ses vidéos, et font référence au même monde dystopique, envisagé avec un brin d’ironie ; partout il nous semble entrevoir un jeu caché, un double sens ou une plaisanterie.
Will Benedict (*1978, Los Angeles) vit et travaille à Paris. Son travail a récemment été présenté lors d’expositions à dépendance (Bruxelles), Balice Hertling (Paris), la Fondazione Giuliani (Rome), la Bergen Kunsthall et la Halle für Kunst Lüneburg. Benedict était l’un des artistes de la Biennale de l’Image en Mouvement 2021.
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