Au même titre que le kangourou et le boomerang, le didgeridoo est devenu un symbole de l’Australie. Pour la plupart d’entre nous, ce que nous en savons sonne plutôt creux. D’où l’envie d’explorer cet instrument unique et complexe, en raison de la multiplicité de ses aspects sonore, visuel et la diversité de ses implications artistiques, culturelles et spirituelles. Généralement associé à toute l’île-continent au vu de son succès planétaire, il tient son origine du nord-est de l’Australie, en Terre d’Arnhem, territoire du peuple Yolŋu. Depuis au moins 1,500 ans, les hommes sélectionnent des troncs d’eucalyptus creusés par les termites pour la beauté de leur sonorité avant de les sculpter et les décorer. Cet instrument, appelé yidaki par le peuple dont il est issu – didgeridoo n’étant qu’une onomatopée tardive –, est investi du pouvoir des êtres ancestraux à l’origine de la création de l’univers dans la culture aborigène, dans le temps parallèle du Rêve (Dreaming). Avec les bâtons de percussion, il accompagne chants et danses cérémoniels. Pour les initiés, sa vibration sonore possède une puissance guérisseuse qui transcende l’espace et le temps. Plus qu’un instrument, le yidaki occupe une place centrale dans la vie quotidienne yolŋu. Il connaît des noms différents selon les régions, les clans qui lui donnent ses motifs ornementaux exclusifs et ses attributions.
Accueilli par la présence virtuelle de Djalu Gurruwiwi, leader spirituel et dépositaire éminent du yidaki, le visiteur en découvrira les possibilités sonores, vibratoires et visuelles. Il se familiarisera avec sa fabrication, sa typologie et certaines particularités de ses usages. L’exposition fait cependant beaucoup plus que jouer ce rôle didactique. Fidèle à sa mission promotrice de l’art aborigène contemporain, la fondation présente deux installations multimédias immersives conçues spécialement pour l’exposition.
A partir de sculptures des artistes Malaluba Gumana et Bulthirrirri Wunuŋmurra, the Mulka Project, collectif d’artistes et de spécialistes multimédias yolŋus dont la vocation est de pérenniser et diffuser la culture, recrée des cérémonies traditionnelles. La première installation se concentre sur le Serpent Arc- en-ciel, Ancêtre créateur fondamental, dans les eaux de Garrimala.
Du 13 juin 2021 au 17 avril 2022, l’écho d’un cor insolite retentira dans les Alpes, par-delà les montagnes et les mers. Sa passerelle sonore permettra une fois encore à la Fondation Opale de témoigner de la valeur des échanges culturels, en mettant en lumière la sagesse profondément créatrice, ancrée dans le présent, que les artistes aborigènes excellent à perpétuer et qu’ils partagent généreusement avec le monde. La voix du yidaki porte en elle l’âme de la Terre. Son souffle a l’ampleur de l’universalité. Se laisser traverser par sa vibration, c’est se relier à tout ce qui vit. C’est être en vie.