Enfant adopté, l’artiste ouvre le dialogue sur le système américain d’accueil et d’adoption, mais aussi sur l’identité homosexuelle, la neutralité corporelle, l’égalité raciale et la justice environnementale. Il manie prodigieusement le surréalisme et met en scène les corps de manière spectaculaire dans un univers fantasmé animé par un imaginaire foisonnant.
Bonjour Rob, qui êtes-vous ?
Hello ! Je m’appelle Rob Woodcox, je vis entre Mexico et Los Angeles. J’ai 30 ans et je me réalise à travers mon vecteur de création favori, la photo‐ graphie, depuis un peu plus de 11 ans maintenant.
Quand avez-vous réalisé que la photographie sera un élément majeur de votre vie ?
Après ma première année d’études de la photographie à 19 ans, j’étais déjà obsédé par le processus de réalisation de visuels. J’étais accro. J’ai toujours eu une imagination en ébullition – le sentiment de voir dans d’autres dimensions – et l’art photograhique me l’a confirmé. Le processus qui consiste à transformer les idées en images réelles et tangibles est cathartique et revigorant.
Votre première photo ? Quel âge aviez-vous ?
J’ai dû la prendre avec un appareil photo jetable en colonie de vacances quand j’avais sept ou huit ans. C’était probablement des fleurs dans une forêt, j’ai toujours été fasciné par la nature. Quand j’ai choisi de me concentrer sur la photographie, mes premiers clichés consistaient en des portraits expérimentaux de mes amis sur pellicule 35 mm. J’ai étudié pendant quelques années dans une université locale, puis j’ai continué à apprendre par moi‐même en pratiquant pendant des heures, en regardant des tutoriels et en les répétant inlassablement. J’ai commencé à enseigner la photographie dès 23 ans en entamant un tour du monde qui a duré cinq ans et pendant lequel j’ai transmis mes connaissances à des milliers d’étudiants. J’ai beaucoup appris en travaillant avec les autres ; en leur apprenant mes procédés, j’ai dû approfondir la technique.
Comment définissez-vous votre art ?
Surréalisme conceptuel ou réaliste. Tout est basé sur la réalité, mais avec des éléments qui surprennent le spectateur. J’aime la peinture surréaliste, le symbolisme et les mondes réinventés à partir du réel. Si vous soulevez le masque de la réalité, il y a beaucoup de magie derrière le voile. Vivre au Mexique était mon rêve, Salvador Dalí a dit : « Le Mexique est un pays qui est plus surréaliste que mes peintures ». Il est peuplé d’icônes comme Frida Kahlo, Diego Rivera et Leonora Carrington. Je n’ai jamais été aussi heureux que depuis que j’y vis entourée de l’art et de la culture locale.
Quel est votre processus de création ?
Je plonge régulièrement dans la méditation, la musique, la danse et la nature. Au cours de ces expériences, je reçois souvent un flot de visuels et je les écris dans un journal numérique. Parfois, ces concepts restent en place pendant des mois ou des années, mais une fois que je décide qu’ils prendront vie, je les concrétise sur un storyboard pour choisir le lieu, l’éclairage, la palette de couleurs. Le processus de création prend de trois jours à deux semaines entre la production et le montage d’un décor. J’aime inventer des histoires dans un environnement sûr et agréable pour mes collaborateurs. Je ne fais pas des photos pour le «succès», mais plutôt pour mon épanouissement personnel et pour contribuer à ma communauté.
Semblance, est une série d’autoportraits dévoilant votre ouverture à la sexualité. Comment avez-vous eu l’idée d’utiliser
la photographie pour faire votre coming out ? Pourquoi avez-vous choisi l’Islande ?
Avant de faire mon coming out, j’avais utilisé l’autoportrait à plusieurs reprises comme méthode de thérapie personnelle. Quand j’ai fait face à la réalité du coming out dans une communauté religieuse et une société inégale, j’ai commencé à écrire sur les émotions et les étapes que je traversais.
Chaque photo de la série représente un pas vers l’acceptation et la liberté. Ayant été élevé dans la croyance que mon identité était fausse, que je n’étais pas à ma place, le processus d’acceptation de moi‐ même m’a semblé très étrange. L’Islande et ses paysages lunaires étaient parfaits pour créer cette série. Mes amis et moi avons économisé et collecté des fonds pour faire le voyage et je n’échangerais cette expérience contre rien au monde.
Vous avez grandi dans une famille chrétienne. Comment avez-vous vécu en parallèle votre engagement dans l’église et votre sexualité ?
Je me suis beaucoup impliqué dans mon église. J’ai fait du bénévolat auprès d’enfants pendant dix ans ‐ de l’enseignement à l’église au mentorat en famille d’accueil ‐ donc je pense que l’innocence de cette décennie m’a protégé des dures réalités du monde. J’avais beaucoup d’amis qui étaient ouverts d’esprit, je n’avais pas un grand appétit sexuel et je vivais dans le déni. Au début de la vingtaine, j’ai recherché une relation romantique, j’ai vécu dans une sorte de bulle jusqu’à ce que mon imagination et mon processus créatif me permettent de m’en sortir. Je me souviens d’une époque où les gens essayaient de freiner mes moyens d’expression naturels, cela me frustre de penser que certains peuvent être empêchés d’être eux‐mêmes. J’espère que ce phénomène de censure prendra fin un jour. J’ai lu la Bible de la première à la dernière lettre, elle ne condamne pas l’homosexualité. Elle a été écrite par des humains et a été utilisée stratégiquement pour contrôler les gens pendant des siècles. C’est terrible que certains l’utilisent encore de manière négative alors que le message principal est de montrer de l’amour à tous.
Comment cela influence-t-il votre art ?
Le fait d’avoir vécu l’exclusion m’a poussé à être aussi inclusif que possible dans mon art. Tous les corps et toutes les personnes sont les bienvenus sur mes photographies.
Comment avez-vous vécu votre adoption ?
Elle a profondément marqué mon parcours, j’ai été témoin de la puissance de l’amour inconditionnel de mes parents dès mon plus jeune âge. Ma famille est très religieuse, tous sont très aimants et feraient l’impossible pour aider quelqu’un dans le besoin. Je l’ai ressenti dès l’enfance ce qui m’a poussé à faire de même pour ma communauté. Je veux que chacun se sente aimé et accepté.
La nature vous inspire beaucoup, mais aussi la danse et la peinture ?
Je ne suis ni danseur, ni peintre, mais je les pratique de façon récréative. J’aime me sentir en vie, alors la randonnée, la danse et l’exploration du mouvement en général me sont indispensables. Ce sont selon moi des formes d’art, même si très différentes de la mienne, dont je me nourris en les pratiquant et les observant.