Né à Brooklyn en décembre 1960 au sein d’une famille de la classe moyenne, Jean-Michel Basquiat dessine dès son plus jeune âge sous l’œil bienveillant de ses parents, respectivement Haïtien et Portoricaine. Adolescent, il quitte la maison et s’installe dans le sud de Manhattan où les murs ne tarderont pas à s’animer des messages subversifs, poétiques et sarcastiques d’un mystérieux SAMO (Same Old Shit). Andy Warhol et Keith Haring s’intéresse alors à ce jeune graffeur qui, très vite, interpelle le microcosme artistique pour finalement recevoir les avis très favorables de la presse spécialisée. Jean-Michel Basquiat s’éloigne peu à peu du graffiti et de son alter-ego SAMO, pour définitivement l’enterrer en 1979 en signant la fin du projet par un retentissant SAMO IS DEAD sur les murs de SoHo.
Ses peintures se vendent… un peu. Il fonde le groupe de noise rock Gray, avant de l’abandonner un an plus tard pour mieux se saisir de la notoriété grandissante qui entoure ses œuvres, notamment suite à la manifestation New York / New Wave qui l’a conduit à exposer aux côtés de Keith Haring, Andy Warhol et Robert Mapplethorpe.
Il fréquente le gotha artistique et s’amourache de Suzanne Mallouk, une réfugiée palestinienne fumeuse de Gitane. Cocaïne, passion dévastatrice, adultère et scènes de ménage s’enchaînent. Une nuit, elle surprend Jean-Michel collé-serré avec Madonna dans un bar de New-York. Ni une, ni deux, Suzanne administre une monumentale dérouillée à la star de la pop-music et met le feu aux œuvres que son amoureux lui a offert. Toute une époque !
Ambitieux, courant derrière la célébrité, Basquiat admire Warhol depuis toujours et affiche sa photo sur les murs de sa chambre. Leur rencontre est décisive pour le jeune artiste, leurs collaborations sont aujourd’hui iconiques. Basquiat ne survivra qu’un peu plus d’un an à la mort de son mentor. Dévasté par la disparition de l’artiste pop, il plonge encore plus frénétiquement dans la drogue, jusqu’à ce qu’une overdose l’emporte en août 1988. Il rejoint ainsi le tristement célèbre club des 27.
Évoluant parallèlement aux mouvements néo-expressionniste et primitiviste, ses œuvres foisonnent de symboles récurrents où s’entremêlent crânes, bâtons, personnages aux bras levés et phrases énigmatiques.

Le crâne
Derrière l’apparence simpliste d’un crâne humain se cache souvent les autoportraits d’un homme torturé. Mâchoires saillantes, visage décharné, dents serrées et yeux exorbités. Impossible de rester de marbre tant cette noirceur profonde se détache sur fond de couleurs vibrantes. Ces crânes décomposés suggérant des masques africains reflètent l’intuition d’une mort qu’il devine proche. Renversé par une voiture à l’âge de 7 ans, sa mère lui offrira le Gray’s Anatomie dont il va s’inspirer pour peindre des figures déconstruites et rafistolées sur lesquelles semblent transparaître des formes et des lignes qui s’avèrent, à bien y regarder, totalement abstraites.
La couronne
Élevé pour certains au rang de véritable signature, la couronne est un symbole indissociable du travail de Basquiat. Dans son article The Radiant Child, Rene Ricard déclare : « Cette couronne est tellement propre au répertoire de Jean-Michel qu’il n’est pas important de savoir d’où elle vient. Elle est à lui, il a gagné cette couronne. Dans l’une de ses peintures, il y a même un signe ©copyright en dessous d’une couronne, avec une date écrite en chiffres romains impossibles à déchiffrer. On peut désormais le dire, il a posé un copyright sur la couronne. » Halo ou couronne d’épines sont les symboles changeants des héros ou des martyrs. Sa couronne à trois sommets représente les lignées royales selon Jean-Michel Basquiat. À savoir : le poète, le musicien, le champion de boxe. Mais cette couronne fait aussi référence aux origines de la famille Basquiat qui aurait fui la révolution pour rejoindre des terres d’esclavage où elle aurait perdu sa particule. Un certain Bernard de Basquiat était même mousquetaire de la garde du Roi. Racines aristocratiques françaises, plus précisément landaises dont l’artiste est particulièrement fier. Conscient de l’origine noble de son nom, il n’hésite pas à 21 ans à se représenter portant la couronne. Il parlait d’ailleurs admirablement bien la langue de Molière.
Ces influences sont multiples. L’Amérique et son consumérisme effréné, Haïti et le Vaudou, l’Afrique et ses masques synthétisent son héritage culturel. Véritable étoile filante, les projecteurs se braquent sur son œuvre en 2017 lorsqu’une peinture de 1982 représentant un crâne est vendu aux enchères pour 110 millions de dollars. Record absolu pour une œuvre d’après 1980 et pour un artiste noir américain. Les éditions Taschen consacrent d’ailleurs une édition XXL à Jean-Michel Basquiat qui rassemble ses œuvres les plus marquantes dans des reproductions exceptionnelles et dans les textes de l’éditeur Hans Werner Holzwarth ainsi que de l’historienne d’art et conservatrice Eleanor Nairne. Immanquable pour les passionnés de l’artiste.
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