Un petit florilège du Audiard dans le texte
Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner.
Conduire dans Paris, c’est une question de vocabulaire.
Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.
Les salariés sont les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste : ce sont des chômeurs en puissance.
Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche.
L’avarice est le pire défaut qui existe, si on compte ses sous, on compte aussi ses sentiments.
Une habitude bien française consiste à confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user.
Et dites-vous bien dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c’est favoriser la réussite des médiocres.
Si on t’avait foutu à la lourde chaque fois que t’as fait des conneries, t’aurais passé ta vie dehors.
L’essentiel, c’est de râler. Ça fait bon genre.
Non mais ! T’as déjà vu ça ? En pleine paix ! Il chante et puis crac ! Un bourre-pif. Mais, il est complétement fou ce mec ! Mais moi, les dingues, je les soigne, j’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère. Je vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu’on va le retrouver, éparpillé, par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop, je correctionne plus, je dynamite, je disperse, je ventile !
Chaque journée qui finit est une journée de moins à soustraire du temps me séparant encore de ceux que j’ai perdus.
Je ne suis pas contre les excuses je suis même prêt à en recevoir.
Il vaut mieux s’en aller la tête basse que les pieds devant.
A travers les innombrables vicissitudes de la France, le pourcentage d’emmerdeurs est le seul qui n’ait jamais baissé.
Le petit gars avait réussi ce que peut, avant lui, l’aurait simplement imaginé : Devenir une vedette dans son domaine. Du genre à avoir son nom en gros sur l’affiche, en bas à droite, si possible dans un carré le mettant bien en avant sous le nom gigantesque de la tête de gondole : Jean Gabin, Lino Ventura, Jean Paul Belmondo, Maurice Biraud, Paul Frankeur, Francis Blanche, Françoise Rosay et évidemment l’immense Bernard Blier ont tous brillés dans leurs catégories. Car l’auteur scénariste-écrivain faisait du cousu main, de la dentelle, du prêt à parler grand luxe. Il aimait savoir qui allait réciter son texte et surtout si le préposé avait les capacités idéales car tout le monde ne peut pas jacter ce mélange savant d’argot, de mots d’esprits piqués au zinc des bistrots des quartiers populaires de Paname, aux chauffeurs de taxis. L’Audiard avait le génie fou de tout palper, de le mixer et de le restituer avec une délectation d’orfèvre. Causer ainsi nécessite un sens idéal du tempo car chaque virgule, chaque strophe, chaque point d’exclamation ont un sens. Audiard écrit avec rythme et son génie hors norme – car oui à son niveau on peut facilement le glisser entre deux géants de l’écriture tels Sacha Guitry et Louis-Ferdinand Céline – permettait de donner vie à des personnages aussi différents qu’un ancien grand homme politique (« Le Président » de Henri Verneuil), un grand bourgeois banquier (« Les Grandes Familles » de Denys de la Patellière) un clochard hirsute (« Archimède » de Gilles Grangier) voire un morfalou vieux beau sur le retour (« Le Baron de l’écluse » de Jean Delannoy). On peut rajouter, afin de sortir de la filmographie de Jean Gabin (ils ont collaboré ensemble sur 20 films, tous des classiques même les moins ambitieux), l’agent secret revanchard (« Le Professionnel » de Georges Lautner), les trouffions en perdition en pleine seconde guerre mondiale (« Un Taxi Pour Toubrouk » de Denys de la Patellière). Le petit cycliste savait composer pour tous les genres avec un réel sens du plaisir immédiat. A noter, suite au drame de la perte d’un enfant, que les dernières années de sa vie, Michel Audiard a noirci terriblement ses textes, choisi des œuvres dramatiques et là encore permis à Michel Serrault et Lino Ventura de briller à nouveau avec l’immense et tragique « Garde à vue » de Claude Miller. Endeuillé lui aussi par l’abjection de perdre son propre enfant, Serrault est devenu le double du grand dialoguiste avec deux ultimes œuvres funéraires : « Mortelle Randonnée » toujours de Claude Miller et le lugubre « On Ne Meurt Que Deux Fois » de Jacques Deray. Ultime pirouette avec le troisième opus de « La Cage Aux Folles » signé par Lautner, Audiard, à peine 65 ans, s’en est allé sur la pointe des pieds en 1985.


« Le Livre Petit Mais Costaud » (éditions HUGO+IMAGES) nous permets de tenter de pénétrer avec délectation dans les méandres d’un artisan fabuleux, d’entrapercevoir son art, de comprendre son empreinte indélébile dans un cinéma français hélas désormais totalement disparu. Cent ans après sa naissance, 35 années après sa disparition, Michel Audiard reste et demeure totalement unique. La marque d’un génie, tout simplement !
Par Olivier Jordan