
ENTRETIEN AVEC ANNE-CLAIRE DOLIVET
Comment vous est venu le désir de réaliser PETITES DANSEUSES ?
Ça fait très longtemps que j’ai envie de faire un film sur la danse. Moi-même, étant petite, je voulais être danseuse. Quand ma fille a manifesté le désir de danser à son tour, j’ai eu à cœur de lui transmettre cette passion. Et je suis tombée sur le petit cours parisien de quartier de Muriel, dont j’ai très vite compris qu’il ne s’agissait pas seulement d’un petit cours amateur de quartier : on y trouve aussi un cursus Danse Études, que les filles, à partir de neuf ou dix ans et quelquefois encore plus jeune, peuvent suivre les après-midis si elles bénéficient d’un horaire aménagé pour les études. Horaire aménagé que l’on obtient en passant un examen.
C’est ça que j’ai trouvé très intéressant à la base dans le cours de Muriel : les parents y inscrivent leurs enfants comme ils les inscriraient à une activité parmi d’autres, sans enjeu, mais très rapidement, Muriel repère les enfants très douées et motivées. Avec ces élèves, elle crée une classe particulièrement intensive.
…dont font partie les quatre petites danseuses que vous suivez dans votre film.
Oui, toutes les quatre font partie de cette classe spéciale qui leur permet de se préparer à des concours qui ont lieu dans toute la France. Ces concours leur donnent l’occasion de se confronter à d’autres écoles, à d’autres niveaux. Et surtout d’être seules sur scène.
Quand j’ai assisté pour la première fois à un concours, j’ai découvert un autre monde, que je ne connaissais pas du tout, et ressenti une émotion très forte : comment ces petites filles, seules sur scènes, arrivaient-elles à faire face à ce jury, à dépasser leur trac, à s’épanouir ? Je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire à raconter toutes ces heures de danse pour préparer les enfants à être deux minutes sur scène…
Comme le dit Muriel à l’un des parents, se préparer aux concours les prépare aussi à leur vie future.
C’est aussi ce que je souhaitais montrer. Pourquoi les parents acceptent-ils que leurs enfants fassent autant de danse par semaine et passent des concours ? Parce que cela fait écho à notre société, où l’on est confronté assez tôt à la compétition, aux notes, aux entretiens… Les parents se disent qu’au- delà de la danse, cet entrainement à se dépasser prépare leurs enfants à l’avenir.
Et ce, avec toutes les interrogations que cela peut susciter. Est-il normal que ces enfants vivent ces choses-là à cet âge généralement associé à l’innocence et à l’insouciance ? Pour elles, tout est hyper orchestré, elles n’ont pas une minute à elle et doivent déjà faire des choix d’adultes.
