Le contact avec un livre assure bien des sensations opposées. Parfois on se délecte de l’humour, s’émeut de situations dramatiques, s’enthousiasme pour des grandes épopées et parfois aussi, quand c’est réussi, on frisonne. L’écriture concentre mille difficultés à surmonter, arriver à terrifier avec des lettres formant des mots relève véritablement d’une gageure fort rare. Peu d’auteurs ont ce talent très singulier. Né à Genève, auteur local, enseignant de profession, Florian Eglin s’arrime avec une férocité barbare pour ne jamais lâcher sa proie sur près de 400 pages. Son livre est assurément addictif, on y découvre les fissures abjectes du genre humain dans une description abominable de la violence aidé par un style à la fois efficace mais direct comme un uppercut en pleine gueule. Le pitch tient pourtant en quelques mots : une famille Genevoise, papa, maman, deux petites filles endormies à l’arrière d’une grosse Mercedes aux plaques helvétiques sont prises en chasse par un énorme SUV en pleine nuit, non loin du désert des Agriates, sur l’île dite de beauté. Tom et Adèle, les adultes, hésitent sur la bonne décision à adopter face à une situation aussi absurde : Continuer une course-poursuite périlleuse au risque de s’écraser ou s’arrêter ?
Ayant eu le bonheur de découvrir ce formidable bouquin choc sans connaître plus d’information sur le dérouler de cette sinistre descente aux enfers, nous préférons ne rien vous dévoiler afin d’éviter un spoiler malencontreux. Thriller très cinématographique, les images défilent sous vos yeux. Le spectacle est terrifiant, les monstres sont de sortie, les lâmes s’aiguisent, les âmes s’effondrent dans les béances de l’enfer sous l’œil vigilant, toujours au clair avec l’inanité des dogmes ancestraux ayant toujours cours aux confins Corse, des femmes, véritables héroïnes de ce livre estomaquant. Nettement plus fortes, plus au fait de la folie enfantine de l’homme face à ses préceptes (ici souvent réduits à une virilité, un sens aigu de l’honneur et la volonté simpliste de démontrer sa force) les héroïnes de l’auteur concassent l’homme à son misérable rang. Profondément féministe (pourtant cela ne saute pas aux yeux mais à bien y réfléchir), « représailles » est un voyage aux frontières du genre humain, une analyse sociologique de l’extrême et ténue fissure séparant l’homme et de l’animal. Une éreintante réussite car il nous renvoie à nos propres échecs.
Éditions de la Baconnière
